Journées d’étude consacrées à Renart le Contrefait
Université Libre de Bruxelles
27-28 mai 2011
Au début de sa vaste compilation renardienne, l’auteur de Renart le Contrefait déclare que
...sur Regnart poeult on gloser,
Penser, estudïer, muser
Plus que sur toute rien qui soit. (v. 105-107)
Parvenu à la fin de sa lecture, le lecteur ne peut que souscrire à cet avis, puisque les aventures du goupil fournissent effectivement au clerc de Troyes l’occasion—ou le prétexte—de faire les commentaires et d’aborder les sujets les plus variés, de la création du monde au procès des Templiers et de l’excellence de l’astronomie au poids écrasant des impôts dans la Champagne du XIVe siècle. Autour des épisodes connus du vieux Roman de Renart se succèdent et se combinent réflexions morales et satiriques, récits allégoriques, comiques et historiques, exposés théologiques et scientifiques. La grande diversité des sujets abordés n’a d’égal que le nombre de sources que l’auteur exploite et la variété des œuvres antérieures qu’il intègre dans son ouvrage : à l’intérieur du cadre renardien, en effet, l’œuvre accueille de nombreux exempla et fables, le Roman d’Athis et Procelias, deux lais de Marie de France, la Vie de saint Marie l’Egyptienne de Rutebeuf, des vers épars et des personnages empruntés au Roman de la Rose, des maximes morales puisées chez Brunetto Latini et Alart de Cambrai, un roman d’Alexandre, des informations historiques empruntées aux Faits des Romains ainsi qu’à Orose, Pierre le Mangeur, Sigebert de Gembloux, Guillaume de Malmesbury... Et on pourrait encore allonger la liste. Au fil des pages, l’auteur transforme le Contrefait de Regnart en un Miroër de Regnart, construisant une véritable somme encyclopédique de la littérature et du savoir de son époque. Le résultat est une œuvre complexe et foisonnante qui constitue à la fois une compilation érudite, une œuvre très personnelle et une tentative, à travers la culture littéraire et intellectuelle du premier XIVe siècle, d’assimiler l’héritage philosophique de Jean de Meun, d’interroger les valeurs de la société et d’éclaircir la vie morale de l’individu.
Décrit comme l’œuvre « la plus volumineuse, la plus riche et la plus curieuse de toutes celles qui ont été créées au Moyen Age autour du personnage de Renart » (Flinn 1963), Renart le Contrefait a pourtant été peu étudié jusqu’à présent et si le regain d’intérêt pour ce texte que l’on constate depuis une dizaine d’années a permis de faire de notables progrès, les ressources offertes par cette œuvre sont encore bien loin d’être épuisées.
La journée d’étude projetée a pour objectif de contribuer à mieux cerner l’originalité de l’œuvre et sa place dans le paysage intellectuel du premier XIVe siècle. Les participants sont encouragés à l’explorer sous tous ses aspects, littéraires, linguistiques, philologiques et historiques. Le travail de compilation est sans doute l’un des angles d’approche les plus évidents de l’œuvre. Quelles sont les différentes sources auxquelles puise l’auteur ? Comment les retravaille-t-il et dans quel but ? Quels rapports s’instaurent entre ces différentes strates textuelles et quelle est leur place dans l’ensemble de l’œuvre ? Le personnage de Renart mérite aussi de retenir l’attention, car non seulement l’auteur modifie le caractère du vieux goupil en lui attribuant des aventures nouvelles, mais encore la voix du narrateur se confond parfois avec celle de son personnage, au risque de miner le discours moral qu’il tient.